LES IDOLÂTRES

Contribution La Griffe Lorraine

Rubrique BD/Polars

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲▲△

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Dans « La synagogue » Yoann Sfar avait commencé une forme d’autobiographie en racontant son enfance niçoise, sous la figure tutélaire paternelle très puissante, et son rapport compliqué au judaïsme.

Avec « Les idolâtres », un livre « sur l’image, la mère et l’absence », il poursuit ce travail sur lui-même, sur un fond plus psychanalytique et s’attache cette fois à la figure maternelle aimée et d’autant plus sublimée que l’auteur a été profondément marqué par la disparition quelque peu mystérieuse de sa mère, alors qu’il avait trois ans et demi.

A-t-elle laissé un vide ou un manque ? Quelle est la différence entre les deux ? « Un vide, ça se remplit, tandis que le manque ça parle d’un souvenir et je n’avais presque pas de souvenirs de ma mère. Je regarde et je fabrique des images et elles me tiennent lieu de souvenirs. C’est ça l’idolâtrie non ? »

Sfar nous emmène ainsi avec humour et une pudeur parfois impudique, à la racine de sa passion précoce et dévorante pour le dessin.

Aimer dessiner le monde plutôt qu’aimer le monde est-ce de l’idolâtrie ? Il consulte son rabbin qui lui répond : « l’idolâtrie, c’est lorsqu’on s’en remet à une image plutôt qu’au monde. » Facétieux et un brin provocateur, le jeune Joann lui répond « puisque Dieu fit l’homme à son image, alors Dieu est un idolâtre ? »

Mais le rabbin ne désarme pas : « tu ne dois pas te prosterner face à une idole, disait le rabbin Platon dans son mythe de la caverne. » Et plus sérieusement : « on n’a pas le droit de faire des images (…) qui représentent le monde, c’est de l’idolâtrie car en faisant cela on cesse de se confronter au monde »

Cela questionne évidemment notre cheminement maçonnique, jalonné de formes, images, symboles, animaux, personnages… et qui exige notre vigilance pour ne se pas forger d’idoles.

Sommes-nous vraiment, comme Joann Sfar, intéressés par un dessin (ou un dessein ?) parce qu’il ne parvient pas à être parfait, quelque chose d’incomplet, d’inachevé, « un dessin qui a besoin du monde » ?

Un livre utile à tous ceux qui sont aussi méfiants qu’attirés par les images, à tous ceux qui les utilisent et plus particulièrement à ceux qui aimeraient se libérer de l’emprise des formes et de se confronter au monde réel.

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