MANIE ÉPISTOLAIRE

Contribution La Griffe Île de France

Rubrique AdHoc

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲△△△

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Parfois réduite à une neurasthénie apparente, son œuvre est d'une vitalité étonnante, volontiers lyrique, allant souvent vers un humour dévastateur (il se définissait lui-même comme un « déconneur » !) pour lui, le désespoir doit devenir un moteur. Il écrit, dans ses « Cahiers » : « Même une négation doit avoir quelque chose d'exaltant, quelque chose qui vous relève, qui vous aide, vous assiste ». Étrangement, ce vitaliste fut accusé par ses détracteurs que son pessimisme sur la nature humaine était une incitation au suicide, mais il cultivait un désespoir philosophique très calculé, très littéraire, lui qui écrivait : « Et si je ne me tue pas, c'est que, une fois en possession d'une telle certitude, le fait de continuer de «  persévérer dans l'être » ( expression appartenant à Spinoza) acquiert une dimension nouvelle, inattendue : celle d'un paradoxe constant, d'une provocation, si tu veux ». Provocation qu'il mania avec dextérité toute sa vie qui fut tardive et somme toute bien occupée entre ses repas et discussions joyeuses avec la « bande des trois » (Eugène Ionesco-Mircéa Eliade- Emil Cioran) et une vie mondaine qu'il critiquait mais dont il avait une belle pratique ! Et puis, au-delà des lamentations, un incroyable sens de l'humour et, finalement une appétence à la vie indéracinable. Comme quoi il convient de rester dans le discernement face aux discours.

Cioran sera hanté toute sa vie par la fièvre des mystiques ; ces « perturbés de l'absolu », selon sa formule et il plongera avec délice dans diverses traditions ou hérésies religieuses qui ressortent dans sa correspondance. Dans son célèbre « De l'inconvénient d'être né » il écrira : « Mon existence m'apparaît comme la dégradation et l'usure d'un psaume » ! Cette recherche mystique, dans un désespoir très travaillé, se traduit à trouver « ce rien de lumière en chacun de nous et qui remonte bien avant notre naissance », et il nous avoue : « Je ne l'explique pas, elle m'habite depuis toujours, elle était en moi avant moi ».

Le fils du prêtre roumain éclaire ainsi ses ténèbres et ne peut plus se présenter comme l'instigateur du désespoir, mode d'emploi !

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