Contribution La Griffe Midi-Pyrénées

Rubrique Art

Intérêt général de l’ouvrage ▲▲▲▲△

Facilité de lecture ▲▲▲▲△

Rapport avec le rite ▲▲△△△

Un vécu brûlant de passion, de révolte contre l’éducation étriquée que lui impose sa mère, contre le calvinisme, les conventions sociales, allié à une intelligence hors du commun et à un authentique génie poétique révélé́ comme chez Rimbaud dès l’adolescence, c’est ainsi que s’est construite la personnalité́ littéraire la plus surprenante et la plus pathétique du 20ème siècle. Cette personnalité́ est une femme, et quelle femme ! Grisélidis Réal, poète suisse, a déroulé́ sa vie de 1929 à 2005 comme un roman de Zola, dans la poursuite d’un idéal conçu dans la pire des postures mais digne des grands mystiques.

Elle a défrayé la chronique dès 1975 en épousant la cause des prostituées, « fonction » qu’elle exerçait elle-même, et n’était connue que comme écrivaine pour un roman, des correspondances, des carnets, un journal intime et surtout pour ses interviews et articles de presse.

Grisélidis va vivre une misérable suite de déboires. La tuberculose, la prison, des amants violents, dont le premier, Bill, l’oblige à se prostituer. Mais dans toutes ces situations, elle aspire à retrouver sa « Cathédrale intérieure ».

Le titre « Chair Vive » qu’elle a choisi s’entend à la fois comme « Ma chair est à vif » et « Que vive le chair ». Car Grisélidis fait l’apologie de l’hédonisme, cette « idéologie des gens qui n’ont plus d’espoir » selon l’expression de Beigbeder. Sa création délibérément provocante se veut un témoignage pour réveiller le monde, mais aussi un acte de justice à l’égard de ses sœurs de misère, les prisonnières de Munich, les prostituées et par extension toutes les victimes des préjugés racistes et sociaux. Ses écrits fracassants expriment la rage qui la tenait debout et ses poèmes contiennent une humanité unique. Poignants ! C’est une grande dame qui toise la souffrance, fait front à la mort et avant de se couvrir de silence exhorte encore à résister.

Pour calmer la tension des vers de Grisélidis, je lis Bobin. « Un jour [...] on voit ce qu’est le monde : un palais pour les menteurs, un désert pour les purs.  Je me demande comment les enfants survivent à leur chagrin. » s’interroge-t-il dans « Le Christ aux coquelicots ». Je crois que Grisélidis répond à cette question : en faisant de leur vie l’enveloppe de leur colère et de leur « Cathédrale intérieure », l’aventure spirituelle et affective où se joue leur liberté.  

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